Acheter un logement à deux sans être mariés, les bons réflexes.
Par Christophe Tunica
Alors que l’union maritale n’a plus vraiment la côte, acquérir, ensemble, son chez-soi continue à être une étape décisive dans la vie d’un couple. Comment donc acheter en tandem, même sans être passé devant Monsieur le Maire, et faire, au mieux, face aux aléas de la vie (séparation, décès…) ?
Union libre, concubinage, Pacs… Quelles différences aux yeux de la loi ?
S’il n’y a quasiment aucune différence entre l’union libre et le concubinage, le Pacs confère un peu plus de droits et de protection à ceux qui ont opé pour ce statut même s’ils restent inférieurs à ceux dont bénéficient les couples mariés.
Comme son nom l’indique, en union libre, vous vivez ensemble, c’est tout (sans pour autant être toujours libre !). Vous ne bénéficiez d’absolument aucun avantage, ni social, ni fiscal. La notion de concubinage, quant à elle, sous-entend « une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité » (article 515-8 du Code civil), et peut faciliter une demande de prêt ou de logement commun, sous réserve de fourniture d’un certificat de concubinage. Pour obtenir ce certificat, il suffit de se présenter en mairie avec des justificatifs d’identité, et de domicile et – sans toutefois que cela ne soit obligatoire – la présence ou l’attestation de témoin(s). Pour mettre fin au concubinage, il suffit que cette « vie commune stable et continue » cesse. Autrement dit, l’un des concubins n’a besoin que de quitter le logement pour dissoudre la situation de concubinage. Mais cette liberté a un prix… S’ils sont certes rattachés en tant qu’assurés sociaux et sont l’un l’autre « à sa charge effective, totale et permanente », les concubins sont, en réalité au regard de la loi, de parfaits étrangers et ne peuvent pas hériter l’un de l’autre en cas de décès. En cas d’achat immobilier commun, cela représente un écueil certain.
Quant au Pacte Civil de Solidarité (PACS) il s’agit d’un contrat qui lie deux personnes majeures – de sexe différent ou du même sexe – qui ont décidé de vivre ensemble. Introduit en décembre 1999 et modifié en décembre 2006, le PACS permet de protéger son partenaire et de lui transmettre ses biens sans aucune fiscalité. Mais attention, ceci est vrai si et seulement si des dispositions testamentaires ont été rédigées dans ce sens.
Le Pacs offre, par ailleurs, en cas de décès de l’un des partenaires, un droit de jouissance temporaire, personnel et gratuit au partenaire survivant, pendant un an sur la résidence principale en cas de décès. Bénéficier de ces avantages nécessite quelques démarches relativement simples : il convient en effet de faire enregistrer sa convention de Pacs auprès du greffe du tribunal d’instance dans le ressort duquel les partenaires ont leur résidence commune ou auprès d’un notaire. Être Pacsé entraine aussi quelques obligations non négligeables (article 515-4 du Code civil) telles que :
• L’obligation de vie commune
• Une aide matérielle proportionnelle à leurs facultés respectives
• Une assistance réciproque, comme en cas de maladie, ou de chômage
• Une solidarité pour les dépenses liées aux besoins de la vie courante.
Pour dissoudre un Pacs, il convient d’adresser sa demande au greffe du tribunal d’instance ou au notaire. Elle peut résulter du décès ou du mariage de l’un des partenaires (ou des deux) ou bien d’une simple déclaration conjointe ou unilatérale.
Réaliser un achat immobilier en union libre ou en concubinage
Dans ce scénario, les deux propriétaires achètent le bien en indivision. Ils en possèdent chacun un pourcentage, appelé quote-part, qui est calculé en fonction de l’apport que chacun injecte dans le projet. Cette proportion est inscrite dans l’acte d’acquisition rédigé par le notaire et en cas de modification, il faut prévoir un nouvel acte notarié (qui entrainera donc de nouveaux frais). Si l’achat du bien a été financé par un prêt immobilier, en cas de séparation du couple, toute décision devra être prise à l’unanimité, à savoir obtenir le consentement des deux indivisaires. D’ailleurs, la banque insère une clause de solidarité entre les deux emprunteurs, les rendant solidairement et financièrement responsables : en cas de départ de l’un des deux, par exemple, la banque peut demander le remboursement intégral du prêt au concubin restant. Pour ce qui est de la décision de vendre le bien, si un désaccord persiste, le recours au juge sera nécessaire pour trancher leur conflit, et la vente du bien peut alors être décidée par ce dernier, car selon l’article 815 du code civil, « nul ne peut être contraint de rester dans l’indivision »). S’ils se séparent en bons termes, l’un des deux concubins peut racheter la part de l’autre, ce qui met un terme à l’indivision et à la solidarité des concubins.
En cas de décès, dans le cadre d’un crédit en union libre, il n’existe aucun droit successoral légal car les concubins ne représentent juridiquement rien l’un pour l’autre (vous pouvez découvrir les différents outils de succession). Le survivant n’hérite donc pas de la quote-part de son conjoint défunt mais se retrouve en indivision avec les héritiers de ce dernier. S’il souhaite conserver le bien, il pourra, avec leur accord, racheter leurs parts. Il est toutefois possible de rédiger un testament permettant de consentir un legs en faveur du concubin survivant, dans la limite de la part réservataire des éventuels héritiers directs, c’est-à-dire, les enfants.
Par ailleurs les concubins – contrairement aux couples mariés ou pacsés qui sont exonérés des droits de succession – doivent acquitter le taux qui s’applique entre tiers non parents, c’est-à-dire 60% après un abattement de 1 594 euros. Il est possible de réduire ce taux en organisant un démembrement de propriété croisé, assurant la jouissance du bien à celui qui reste. Ainsi chacun des concubins acquiert 50% de la nue-propriété et 50% de l’usufruit.
Réaliser un achat immobilier en étant Pacsé
Avant 2006, il faut savoir que les partenaires de Pacs étaient placés systématiquement sous le régime de l’indivision. De plus après 2007, ils ont été exonérés de droits de succession entre partenaires, et soumis de fait au régime de la séparation de biens, identique à celui des couples mariés (sauf option volontaire pour le régime de l’indivision).
Dans le cadre de l’achat d’un logement, le contexte civil (légal) est ainsi défini par la date à laquelle le Pacs a été signé, la date faisant foi, étant celle de l’enregistrement au greffe du tribunal d’instance : sous le régime de la séparation des biens, chaque partenaire reste propriétaire des biens acquis avant et après le Pacs, cependant chacun d’eux est solidaire de la résidence principale et de toutes les dettes y afférant. Si un seul des deux partenaires signe un acte d’acquisition, le second n’aura aucun droit de propriété sur le logement (sauf régime de l’indivision), mais reste en revanche solidaire du paiement de toutes les charges courantes du ménage. Enfin, en cas de décès de l’un des partenaires, l’autre pourra continuer à résider gratuitement dans le logement pendant un an.
Union libre, concubinage, Pacs, quel est l’intérêt de constituer une SCI ?
Quel que soit le statut du couple, constituer une Société Civile Immobilière (SCI) pour acheter un bien à deux sans être marié est une solution intéressante. Le bien n’appartient pas directement aux partenaires mais à la SCI : chacun des associés détient un pourcentage de parts sociales, proportionnel à son apport. Ce dispositif permet d’éviter la règle d’unanimité de l’indivision, et facilite donc les démarches en cas de revente du bien. Il est aussi possible de prévoir une éventuelle dissolution de la SCI si les concubins de séparent.
La clause d’accroissement ou le pacte tontinier
Le principe de la clause d’accroissement ou du pacte tontinier sont très simples : si plusieurs personnes acquièrent un bien en commun, la clause tontine va avoir pour conséquence que le dernier survivant des co-propriétaires sera réputé être le seul propriétaire de la totalité des actifs concernés (immobilier, valeurs mobilières, etc.). Appliqué à un couple non marié, dans le cadre d’un achat immobilier, il permet ainsi que le survivant du couple devienne propriétaire du bien au décès de son partenaire, et cela dans des conditions plus souples que l’indivision. Cependant, le système présente tout de même quelques inconvénients, dont, notamment :
• La succession est plus lourde : si le bien ne constitue pas la résidence principale ou qu’il a une valeur de plus de 76 000 euros, il n’y aura pas d’exonération des droits de succession (qui seront de 60 % de la valeur de quote-part du prédécédé, après un abattement de 1 594 euros).
• En cas de séparation, la rupture du pacte tontinier ne peut se faire que si les concubins sont tous deux d’accord.