Transmettre un bien immobilier à ses enfants
Par Christophe Tunica
La solution la plus naturelle pour transmettre ses biens à ses enfants est de passer de vie à trépas… Les descendants d’un défunt ayant en effet en France la qualité « d’héritiers réservataires », cela devient très compliqué pour les déshériter ! Mais comme tout un chacun, vous n’êtes certainement pas pressé d’atteindre cette étape irrévocable, et avez peut-être envie d’aider vos enfants de votre vivant, tout en optimisant l’aspect fiscal.
Voici donc les principales solutions qui s’offrent à vous :
La donation simple
Si vous décidez de donner un bien immobilier à votre enfant vous ferez de lui un « donataire » tandis que vous serez vous même « donateur ». La donation est l’acte par lequel « le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte » (Code civil, article 894). La donation peut porter sur toutes sortes de biens – dont un bien immobilier – et profiter à toute personne sous différentes réserves. Si la donation est faite au bénéfice d’un enfant, elle est assortie d’un abattement fiscal : chaque parent peut donner jusqu’à 100 000 € par enfant sans qu’il y ait de droits de donation à payer. Un couple peut donc transmettre à chacun de ses enfants 200 000 € en exonération de droits, et cette disposition est renouvelable tous les quinze ans. En tant que parent donateur vous pouvez ainsi transmettre sans impôt tout ou partie de votre patrimoine par étapes, sous réserve de vous y prendre tôt si ce dernier est conséquent ! Cependant, attention, si vraisemblablement vous ferez des heureux en donnant vos biens à vos enfants, sachez que la donation est un acte irrévocable, donc définitif : « la cession doit être immédiate et irrévocable : le bien entre immédiatement dans le patrimoine du bénéficiaire sans que le donateur ne puisse le récupérer ». Il faut donc être certain de n’avoir pas besoin, a l’avenir, du bien dont on se « dépouille » ! Par ailleurs, sachez aussi que votre acte de générosité, s’il est intéressant fiscalement en évitant à vôtre(s) enfant(s) d’acquitter d’éventuels frais de succession après votre décès, il générera tout de même un cout de frais d’actes lorsque vous passerez devant le notaire. Ce montant, représentant des honoraires et des taxes représente environ 1% de la valeur du bien qui est donné s’il s’agit d’un don manuel (somme d’argent) ou plutôt autour de 2% s’il s’agit d’un bien immobilier.
Enfin, il est bon de savoir que la donation simple peut revêtir plusieurs formes et impacter différemment la « quotité disponible » d’héritage après votre décès… Elle peut en effet être une simple avance sur la part d’héritage (avancement sur part successorale) ou un véritable don qui ne sera pas pris en compte pour le calcul des parts (on parle alors de donation hors parts successorales).
Dans le premier cas, vous avancez une partie de l’héritage à un héritier réservataire ou à un futur héritier. Celui-ci dispose immédiatement d’un bien qu’il aurait dû recevoir à votre décès (selon l’’article 919-1, alinéa 1er, du Code civil dispose : « la donation faite en avancement de part successorale à un héritier réservataire qui accepte la succession s’impute sur sa part de réserve et, subsidiairement, sur la quotité disponible, s’il n’en a pas été autrement convenu dans l’acte de donation ». Dans ce cas, la donation accordée à un enfant est soumise à des règles particulières puisque ce dernier est déjà désigné par la loi comme héritier réservataire. Cette donation s’imputera sur sa part de réserve et non sur la quotité disponible.
La donation avec réserve d’usufruit
Si vous optez pour la donation avec réserve d’usufruit, alors vous donnerez le bien en anticipation de la succession, mais vous conserverez l’usufruit, c’est-à-dire le droit de l’utiliser (d’y habiter) et d’en percevoir les fruits (ou de le louer). L’intérêt de ce type de donation est qu’il conjugue l’avantage fiscal (réduction les droits dus à l’Etat), avec la conservation, pour le donateur, de l’usage du bien donné. Par contre, si vous décidez de le vendre, il vous faudra obtenir le consentement des donataires qui seront devenus nus propriétaires, et qui deviendront propriétaires à part entière sans frais supplémentaire après votre décès. C’est ce qu’on appelle un démembrement de propriété. Dans ce scénario, les gros travaux incombent aux nus-propriétaires, et les petites réparations et l’entretien ainsi que le paiement des impôts locaux, à l’usufruitier. Mais rien n’empêche de déroger à cette règle : il suffit de prévoir une autre répartition des dépenses dans l’acte notarié ou dans une convention de démembrement.
La donation-partage
La donation-partage est une solution intéressante si vous avez plusieurs enfants et un patrimoine relativement important. Elle présente en effet l’avantage fiscal, lié aux abattements précédemment cités, c’est-à-dire 100 000 € par enfant. Et, par ailleurs, la formule permet aussi de l’intérêt de prévenir d’éventuels conflits au moment de votre succession parce qu’une donation-partage faite à vos enfants, ou, sous conditions, à vos petits-enfants, ne pourra jamais être remise en cause. Les évaluations sont en effet figées au moment de l’acte, par opposition à la donation simple qui oblige, lors du règlement de la succession, à un rééquilibrage des comptes en faveur du donataire qui aurait subi une dévalorisation de la valorisation des biens donnés, entre le moment de la donation-partage et le décès du donateur…
La création d’une société civile immobilière
Cette solution consiste à dématérialiser le – ou les – bien(s) immobilier(s) que vous souhaitez transmettre, en parts de sociétés d’une société civile immobilière (SCI) à laquelle vous associez vos enfants. A votre décès, ils héritent uniquement de vos parts sociales, et, sont susceptibles sous certaines conditions de bénéficier d’une fiscalité plus favorable que s’ils avaient hérité de l’ensemble des biens en indivision. Si vous ne souhaitez pas associer vos enfants lors de la création de la SCI, vous avez aussi la faculté de leur donner vos titres sociaux sans frais, au fil des ans, dans la limite de 100 000 € par enfant tous les quinze ans. Pourquoi également ne pas envisager le démembrement de propriété des parts sociales
Autre avantage : contrairement à ce qui se passe dans le cadre de l’indivision, un associé de SCI ne peut pas, seul, décider de la dissolution de la société afin de vendre le – ou les – bien(s).